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Le mouvement Ni una menos (vivas nos queremos)

Le 3 juin 2015, des centaines de milliers de femmes ont occupé les rues de plus de 80 villes d’Argentine : c’était la toute première manifestation Ni una menos, ainsi que l’aboutissement d’une organisation qui avait impliqué tous les secteurs de la société, des universités aux usines sous la forme des commissions,réunissant des journalistes, des artistes et des activistes souhaitant alerter face à la quantité bouleversante de féminicides commis. #NiUnaMenos, se répand rapidement partout en Amérique Latine et les Caraïbes, devenant un mouvement massif. 

La réponse des femmes aux situations de violences, dans l’une des régions les plus touchées au monde, est l’organisation et le rassemblement. La revendication du féminisme face à la violence machiste se fait vite entendre. 

 

Ni una menos est une phrase forgée par Susana Chavez, poétesse mexicaine, indigène et militante des droits des femmes, dans le contexte des féminicides massifs à Ciudad Juarez au Mexique. Elle a été impunément assassinée en 2011 dans cette même ville. 

 

Que ce soit le mouvement Ni una menos, la lutte contre l’influence de l'Église catholique dans les décisions d’État, la dépénalisation de l’avortement ou le combat pour démanteler les réseaux de traite de femmes et la prostitution dans des conditions inhumaines, les femmes sont mobilisées en permanence. Dans ce contexte, l’apport du trans-féminisme a été important, étant donné qu’il questionne, à travers une perspective décoloniale, le féminisme « blanc et hétérosexuel » ainsi que la sexualité dominante (hétéronormée) et les stéréotypes de genre normatifs.

Aujourd’hui en Argentine, la bande dessinée féministe est portée par les nouvelles générations de dessinatrices, très jeunes et actives. Parmi les précurseuses récentes, il y a, notamment, le collectif Chicks on comics fondé en 2008 par neuf dessinatrices (Bas, Clara Lagos, Delius, Maartje Schalkx, Carochinaski, Pixin Weng, Zane Zlemeša, Powerpaola et Sole Otero), comme un espace de rencontre et de visibilisation du travail des autrices au niveau international. À travers les ressources narratives de la bande dessinée, elles produisent de façon collective des dessins animés, des dialogues, des publications, des expositions, etc. Sur leur site web, leur manifeste exprime le parti pris pour l’ironie et l’humour à fin de traiter les problématiques de genre. Les Silent Conversations, l’un de leurs modes opératoires, sont des dialogues sur des thématiques déterminées (par exemple, l’amour romantique) à travers des dessins construits suivant une formule proche de celle du cadavre exquis. Il en résulte une bande dessinée muette et collective. 

D’autre part, la revue de critique culturelle féministe de bande dessinée, Clítoris, sortie en 2011, installe les thématiques brûlantes de l’agenda féministe, dont la visibilité des autrices, ce qui n’a pas empêché d’inclure des hommes dont le travail se situait aussi dans des considérations féministes. Les thématiques de l’avortement, les femmes dans la BD, les collectifs artistiques féministes, le harcèlement de rue y sont présents. Clítoris est également un espace pour mettre en question les représentations du désir féminin. Le premier volume du livre Clítoris, sorti 2014 chez Hotel de las ideas, intitulé Sex(t)ualidades en viñetas, insiste sur la nécessité de faire converger la narration graphique et la perspective féministe comme une façon d’intervenir politiquement dans l’espace public. Tout comme dans les revues, on y trouve des articles d’experts ainsi que des bandes dessinées de quelques pages qui traitent de la sexualité des femmes handicapées, la prostitution, la traite des personnes, le transgenre, etc. 

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BD,

auto-édition

et lutte féministe

en Argentine

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Au-delà de ces premiers exemples, le mouvement a aujourd’hui un caractère nettement « fanziniste ». Tout un nouveau circuit s’est mis en place depuis peu : suivant l’inspiration du do it yourself, les jeunes dessinatrices s’auto-éditent, se rassemblent et leur travail circule dans les divers événements qu’elles organisent. Le salon Vamos las pibas (Allez les filles !), dont la première édition date de 2017, en est un exemple intéressant. Il s’agit d’un festival d’autrices de bande dessinée, avec des expositions, des tables rondes et des ateliers de dessin. Le but principal est de combattre les préjugés par rapport à l’existence des thématiques ou styles spécifiquement féminins (par exemple l’idée d’un style « girly »). Si au départ ce mouvement était dans un cercle restreint (quelques copines entre elles qui se réunissent), il a rapidement pris une autre ampleur et une audience importante dès la première édition. On trouve également le mouvement Tinta Queer, démarré en 2016, qui rassemble des créateurs·trices LGBTQI+ et fait converger bande dessinée, dessin, culture queer avec de la création de fanzines, des conférences et des rencontres. Dans le même ordre d'idées, le collectif Secuencia disidente s’est créé dans le but de fédérer les dessinateurs·trices LGBTIQ+, et de construire un grand réseau, un lieu de rencontre et de partage. 

Le manifeste affirme que le nom et l'identité politique de l’auteur·trice racontent (ou disent) vaut autant, voire plus que leur dessin. Les critères de sélection sont alors plus en rapport avec la visibilisation des subjectivités refoulées qu’avec la correspondance à un standard de qualité graphique dominant. 

Dans cette déconstruction du trait et du dessin confluent plusieurs collectifs qui se focalisent sur l’exclusion. Notamment Línea peluda, groupe de femmes et de transgenres qui militent à travers le dessin. Le graphisme est libéré de la catégorisation bon/mauvais dessin. Ce positionnement apparaît dans le nom du groupe : la línea peluda (ligne poilue, en français) est une « mauvaise » ligne. Dans l’enseignement du dessin, on préconise une ligne homogène, nette et non pas hésitante : il s’agit bien entendu d’un modèle imposé ! 

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